Le myosotis
Georges Brassens
Quand tu partis, quandTu levas le campPour suivre les pasDe ton vieux nabab,De peur qu' je n' sois triste,Tu allas chez l' fleuristeQuérir un' fleur bleue,Un petit bouquet d'adieu,Bouquet d'artifice ;Un myosotis,En disant tout basNe m'oubliez pas.Afin d'avoir l'heur'De parler de toi,J'appris à la fleurLe langag' françois.Sitôt qu'elles causentParaît que les rosesMurmurent toujoursTrois ou quatre mots d'amour.Les myosotisEux autres vous dis'nt,Vous disent tout bas :Ne m'oubliez pas.Les temps ont passé.D'autres fiancées,Parole d'honneur,M'offrir'nt le bonheur.Dès qu'une bergèreMe devenait chère,Sortant de son potSe dressant sur ses ergotsLe myosotisBraillait comme dixPour dire "Hé là-bas,Ne m'oubliez pas."Un jour Dieu sait quand,Je lèv'rai le camp,Je m'envol'rai versLe ciel ou l'enfer.Que mes légataires,Mes testamentaires,Aient l'extrême bonté,Sur mon ventre de planterCe sera justic'Le myosotisQui dira tout bas :Ne m'oubliez pas.Si tu vis encor',Petite pécor',Un d' ces quat' jeudis,Viens si l'cœur t'en ditAu dernier asileDe cet imbécileQui a gâché son cœur,Au nom d'une simple fleur.Y a neuf chanc's sur dixQu' le myosotisTe dise tout bas :Ne m'oubliez pas.