Regarde-toi Paname
Jean Ferrat
Ne crâne donc pas tant PanameJe n'voudrais pas te faire de peineMais on peut voir couler la SeineAilleurs qu'au pied de Notre-DameDe Châtillon à l'estuaireElle baigne bien d'autres lieuxGrâce en soit rendue au Bon DieuY a pas que Paris sur la terrePaname si tu te crois belleC'est que tu n't'es pas regardéeDu côté du quai de GrenelleOu de Maubert/MutualitéParis le soir Paris la nuitTu bois tu gambilles tu t'empiffresEt tu noies dans le son des fifresTa solitude et ton ennuiParis tu vas paumer ta ligneA force de mordre au gâteauTu prends du ventre à RambuteauT'es moins jeune et tu te résignesPaname tu te crois mariolleMais tu ne t'es pas regardéeSur le vieux pont des BatignollesY a longtemps qu'on n'va plus danserTu trouves la misère importuneMais tu portes tes beaux quartiersComme leurs bagues et leurs colliersLes vieilles cocottes sans fortuneMais à trois pas de tes hauts marbresEn face du quai de PassyY a des mômes de par iciQui n'ont jamais grimpé aux arbresVa rhabiller tes faux poètesPaname t'as perdu la mainT'es plus bonne qu'aux AméricainsQui viennent se soûler à tes fêtesTroupeau de toits fleuve tranquilleCiel généreux pavé têtuGrande gueule et petite vertuPaname t'es quand même ma villeY a des revers à tes médaillesDes rimes pauvres à tes poèmesPour cent palais pour cent ripaillesCombien de taudis de carêmesEt pourtant je n'ai pas l'envieDe traîner ailleurs mes souliersC'est là qu'j'ai commencé ma vieC'est là que je la finirai