Les biches
Jacques Brel
Elles sont notre premier ennemiQuand elles s'échappent en riantDes pâturages de l'ennuiLes bichesAvec des cils comme des cheveuxDes cheveux en accroche-faonEt seulement le bout des yeuxQui tricheSi bien que le chasseur s'arrêteEt que je sais des ouragansQu'elles ont changés en poètesLes bichesEt qu'on les chasse de notre espritOu qu'elles nous chassent en rougissantElles sont notre premier ennemiLes biches de quinze ansElles sont notre plus bel ennemiQuand elles ont l'éclat de la fleurEt déjà la saveur du fruitLes bichesQui passent toute vertu dehorsAlors que c'est de tout leur cœurAlors que c'est de tout leur corpsQu'elles trichentLorsqu'elles broutent le mariOu lorsqu'elles broutent le diamantSur l'asphalte bleu de ParisLes bichesQu'on les chasse à coups de rubisOu qu'elles nous chassent au sentimentElles sont notre plus bel ennemiLes biches de vingt ansElles sont notre pire ennemiLorsqu'elles savent leur pouvoirMais qu'elles savent leur sursisLes bichesQuand un chasseur est une chanceQuand leur beauté se lève tardQuand c'est avec toute leur scienceQu'elles trichentTrompant l'ennui plus que le cerfEt l'amant avec l'autre amantEt l'autre amant avec le cerfQui bicheMais qu'on les chasse à la folieOu qu'elles nous chassent du bout des gantsElles sont notre pire ennemiLes biches d'après vingt ansElles sont notre dernier ennemiQuand leurs seins tombent de sommeilPour avoir veillé trop de nuitsLes bichesQuand elles ont le pas résignéDes pèlerins qui s'en reviennentQuand c'est avec tout leur passéQu'elles trichentAfin de mieux nous retenirNous qui ne servons à ce tempsQu'à les empêcher de vieillirLes bichesMais qu'on les chasse de notre vieOu qu'elles nous chassent parce qu'il est tempsElles restent notre dernier ennemiLes biches de trop longtemps